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Combler les lacunes en matière de connaissance : enrichir le contenu de Wikimédia depuis le Grand Nord canadien

Article rédigé par OhanaUnited – Activité soutenue par le programme de microfinancement de Wikimédia Canada

Pendant un appel en visioconférence avec des éditeurs et éditrices ainsi que des lecteurs et lectrices lors de la célébration annuelle de la Journée Wikipédia à Toronto, la conversation a brièvement porté sur les biais systémiques présents sur la version anglophone de Wikipédia. Étant donné que les États-Unis comptent environ dix fois plus d’habitants que le Canada, les pages sur les sujets états-uniens dominent sur le Wikipédia anglophone. De plus, il arrive souvent que des éditeurs et éditrices rédigent des pages sur des sujets canadiens, en adoptant une perspective états-uniennes. Au Canada, d’importantes lacunes concernant le contenu sur les femmes, les communautés isolées et éloignées, les régions de nature vierge, le Nord et l’Arctique canadiens, ainsi que les peuples autochtones persistent. Ces disparités sont d’autant plus marquantes dans d’autres projets Wikimédia, tels que les photos sur Wiki Commons, les entrées sur Wikidata, ou les pages de voyages sur Wikivoyage. 

Fin février 2025 dernier, je me suis rendu à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, pour participer à des événements avec les Inuvialuit. J’en ai profité pour parcourir, en moins de 24 heures, quatre communautés autochtones de la région d’Inuvik : Aklavik, Inuvik, Fort McPherson, et Tsiigehtchic. Ces communautés sont principalement habitées pas des Inuvialuit, et des Gwich’in. J’y ai pris plusieurs types de photos : de caractéristiques géographiques (comme des cours d’eau, ruisseaux tributaires, des embouchures) ; des personnalités politiques locales, d’infrastructures communautaires (bureaux municipaux, station de police, écoles, centres de santé) ; de lieux historiques (sites d’anciens pensionnats autochtones), et d’infrastructures de transport (aéroport, routes de glaces). Pour les photos des anciens pensionnats, j’ai pris soin de bien indiquer que les structures originales avaient été démolies, puis remplacées par d’autres bâtiments, construits sur le même terrain. J’ai aussi documenté des lieux d’intérêts pour Wikivoyage : ceux utiles aux voyageurs, tels les attractions, boutiques de souvenirs et hôtels dans les communautés plus isolées. Par exemple, j’ai ajouté des informations sur les hôtels et les stations d’essence de Fort McPherson, étant la seule communauté à offrir de l’hébergement, de l’essence et du diesel dans un rayon de 2,5 heures de route, améliorant ainsi la sécurité des voyageurs qui s’informent sur Wikivoyage. 

Mes activités de recensement ont mené à : 

– Le téléversement de 120 photos sur Commons, et la création de quatre nouvelles catégories sur Commons, qui incluent :
> Deux politiciennes ont été photographiées: la mairesse d’Inuvik et la commissaire des Territoires du Nord-Ouest (équivalent du poste de lieutenant gouverneure dans les provinces). 
> Un total de 26 caractéristiques géographiques identifiées comme nécessitant des photos ont été capturées lors de mon trajet. Elles ont été téléversées sur Commons et liées à leurs entrées correspondantes dans Wikidata. 
– La création de 2 pages Wikivoyage (Aklavik et Fort McPherson), et 3 pages améliorées (Inuvik, route Dempster, et Tuktoyaktuk).

Contrairement à Toronto, un milieu urbain, prendre et téléverser des photos sur Commons dans des zones de nature vierge a posé de grands défis ; les outils que j’utilise pour identifier les lieux à photographier nécessitent une connexion Internet constante. Par exemple, sur la route de glace, je n’ai eu accès à Internet qu’une fois à l’abord de la prochaine communauté, soit 2 heures plus tard ! Une fois connecté, j’ai pu utiliser mes outils, consulter les cartes et téléverser immédiatement les photos prises, réduisant ainsi le risque d’erreur et d’identification des bâtiments et des éléments géographiques. 

 Aussi, puisque la zone couverte se situe au nord du cercle arctique, les périodes de clarté étaient réduites comparativement aux zones situées plus au sud. Par contre, il y avait un avantage à prendre des photographies à l’hiver : l’accès rapide et facile aux voies d’eau gelées, ce qui m’a permis de photographier des îles, des péninsules et des cours d’eau en voiture. En été, il aurait fallu naviguer, ce qui aurait été plus lent, et je n’aurais pas pu me rendre à autant de lieux. 

Une des principales difficultés rencontrées à mon retour a été la présence de descriptions erronées dans de nombreuses entrées Wikidata. Plusieurs éléments nécessitant des photos étaient des cours d’eau, mais leurs descriptions dans Wikidata les décrivaient comme étant des péninsules. Cela m’a conduit à prendre plusieurs photos de péninsules et d’îles, quand en réalité j’aurais dû me concentrer sur des cours d’eau, des affluents et des embouchures. Par ailleurs, j’ai conduit pendant 45 minutes à la recherche d’une station de recherche et d’une station météo isolées, que je n’ai jamais fini par trouver – probablement à cause d’une erreur de localisation dans Wikidata. Dans les deux cas, comme je n’avais pas accès au réseau Internet, je n’ai pas pu vérifier les emplacements en ligne. Ceci met en évidence l’importance de descriptions et de métadonnées précises dans Wikidata. Disposer d’outils hors ligne et la possibilité de téléverser une carte avec des coordonnées intégrées (ce qui n’est actuellement pas possible) faciliterait aussi ce type de travail à l’avenir. Mon aventure wikipédienne souligne l’importance de poursuivre le développement d’outils pour appuyer les contributions issues de régions isolées et éloignées. 


Crédit photo : route de glace Inuvik – Aklavik – OhanaUnited – CC BY-SA 4.0